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6 juin 2013

ELLE & LUI

RoseDans le livre d’Éric-Emmanuel Schmitt, la dame rose accompagne Oscar, un enfant de 10 ans dans ces derniers jours de vie. Ma dame Rose à moi, elle n’est pas dans un livre, parce qu’elle est trop grande pour y être.

Elle, c’est ma dame Rose. À chaque fois qu’elle entre dans ma boutique, ou que je la croise, j’ai une envie infinie de la prendre dans mes bras et de lui dire toute mon admiration. Ma dame Rose est l’image même de la grâce et de la beauté. Elle est un bel exemple, du don de soie, par et pour l’amour.

Lui, c’est son amoureux. Il ne sait pas qu’elle est la dame Rose. Il ne sait plus qu’il est son amoureux, et pourtant…

Il y a près de trois ans, un couple d’une cinquantaine d’année est entré dans le magasin. Ils étaient tous les deux d’une grande élégance. Monsieur était souriant, d’une posture droite et charmante. La dame qui l’accompagnait avait relevé ses longs cheveux blonds et était tout aussi souriante que son amoureux. Ils étaient beaux et dégageaient ce que nous aimons tant retrouver chez nos clients, ce plaisir de vivre et d’être là.  

Nous avons discuté, et quelle ne fut pas ma surprise lorsque la dame s’est excusée pour son compagnon.

Ça m’a choquée et j’ai encore en mémoire ses paroles : « excusez-nous, il fait de l’Alzheimer ». Et alors! En quoi et pourquoi a-t-on à s’excuser de l’existence d’un être humain?! En quoi et pourquoi la présence de ce couple aurait été dérangeante dans ma boutique? J’y pense encore aujourd’hui et je m’insurge. Si elle a dû s’excuser de la présence de son amoureux, est-ce parce qu’elle se l’était fait reprocher?

J’ai discuté avec la dame qui est devenue rapidement, ma dame Rose. Au fil des visites je me suis attaché à ce couple et à elle. Voilà quatre ans que les médecins ont diagnostiqué chez monsieur la maladie. Mais les premiers signes sont apparus discrètement, il y a environ huit ans. Ma dame Rose a vu et surtout subit l’évolution de la maladie. L’homme qu’elle aime a oublié. Au début il a oublié de petites choses, il a oublié comment se laver, comment écrire, comment parler. Ma dame Rose a aussi vue l’homme qu’elle aime l’oublier, même si elle est là à chaque instant, à chaque minute de chaque jour. Alors, elle aussi s’est oubliée.

Ma dame Rose a mis sa vie en mode pause, pour la qualité de vie et le bien-être de son amoureux. Nous ne pouvons pas tous vivre ainsi et mon propos n’est pas de glorifier le maintien à domicile, seulement de souligner l’engagement de ceux qui le font. Il faut beaucoup de disponibilité et une grande force de caractère pour prendre en charge et laisser toute la place à celui que l’on aime.

J’espère que je connaitrai un jour un amour si fort que même le silence imposé ne saurait le détruire. Qu’un regard et qu’un sourire sauront me donner confiance en l’avenir.

La tête de Monsieur ne reconnait plus ma dame Rose, pourtant son cœur porte les traces de son amour pour elle. Il est heureux, il sourit, il a confiance car au fond de lui il reconnait le son et le ton de sa voix.  Comme lorsqu’elle lui demande avec douceur « Tu viens mon amour? », il la suivrait au bout du monde.

« Si un jour tu te demandes jusqu’où je t’aime, je t’aime aussi loin… » J. Brel

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16 mai 2013

ELLE

 

lilas-grappes

« La mort n’est pas un deuil pour moi », voilà ce qu’elle m’a dit. Une simple question nous avait menée sur le chemin de la mort et du deuil. Elle m’expliqua que depuis la mort de sa sœur, à l’époque des calèches, elle savait que la vie ne s’arrêtait pas là. Même la mort de son fils ne l’avait pas détruite. Par sa croyance en la réincarnation, elle savait que l’âme poursuit sa route, comme celle de sa sœur qu’elle avait vu prendre son envol des années plus tôt.

 Nous avons tous nos conceptions de la mort, du deuil, celle de cette dame-fée m’a guidée vers ce texte, vers ces mots.

 30 avril 1943, c’est cette nuit-là que notre mère m’a éveillée pour m’annoncer que tu allais mourir, ma sœur.

 J’avais appréhendé cet instant par peur de te perdre à jamais. Même si je te voyais souffrir à chaque jour un peu plus, j’étais certaine que la souffrance que je ressentirais à ton départ serait pire encore. Ma sœur, comme tu allais me manquer! Pourtant, même si nous ne parlions pas de ta mort à la maison, pas plus que l’on parlait de la vie en fait, elle arriverait éminemment.

 Notre mère avait peur de tout. Elle ne voulait pas voir ce qui la dérangeait. Comme cette blessure que tu portais à ton retour de la grande ville. Blessure qu’elle préférait panser pour ne pas y penser, pour ne pas l’affronter. Comme la mort qu’elle espérait tenir à l’écart.

 Cette nuit-là, disais-je, elle m’a éveillée en me disant que je devais venir, car tu allais partir. Toi ma grande sœur, mon adorée, mon admirée! Admirée aussi dans cette maladie que tu as affrontée et tentée de combattre avec toute l’énergie que tu possédais.

 Je me suis installé au pied de ton lit en fer travaillé et je t’ai regardé, sœur souffrante, sœur courage. Je t’ai accompagné de ma présence pendant que la tienne nous quittait doucement. Abandonnant peu à peu cette douleur terrestre. Délestant la charge de ton corps.

 Nos parents avaient mis ton lit dans un coin du salon, près de la fenêtre, par laquelle tu ne verras pas les lilas fleurir pour ton treizième printemps. Nous étions plusieurs dans cette pièce sombre et surchauffée, éclairée par la lune et quelques bougies. En plus de notre famille, il y avait le docteur et le curé que notre mère avait envoyé quérir quelques heures plus tôt. La mort ne se tiendrait plus à distance.

 Maman pleurait, papa se taisait. Moi j’étais absorbée par ce que je voyais. J’ai vu sortir de ton corps une petite sphère rosée. Et j’ai compris que cette lumière qui venait de toi, que tu avais quitté ton corps. Je l’ai vu ce qui m'a semblé être ton âme, doucement, monter vers le coin du mur et rejoindre une lumière jaune, une ouverture sur un autre monde. Comme une promesse que la vie continue. Promesse que nous sommes beaucoup plus que chair et os.

 Voilà plus de soixante-dix ans que tu m’as fait comprendre que la mort n’est pas une fin en soie. Il me reste encore bien des choses à vivre. Il me reste à célébrer quelques naissances, à accompagner quelques mourants, à célébrer leur vie. Mais je n’ai pas peur de ma mort, elle viendra un jour, une nuit, peu m’importe. Mais avant, j’aimerais revoir fleurir les lilas.

 

7 mai 2013

JE

iris3

6h00. Le cadran sonne, j’ouvre les yeux, cherchant de la main l’écran tactile qui me permettra d’arrêter ce bruit désagréable. Dehors il fait déjà clair. Signal printanier que les journées rallongent au même rythme que ma garde-robe raccourcie. 

Un vent doux et frais pénètre ma fenêtre entrouverte. Roule sur ma peau dénudée, chaude d’une nuit de sommeil. Je laisse le vent caresser ma chair esseulée, profitant de chacun des frissons qu’il me procure. Cherchant quelques sensations oubliées, ignorées. Je savoure cet instant et ce moment où tous mes sens sont à l’affut.

J’ai déjà dans les narines les effluves subtiles de la terre qui dégèle, de la sève qui s’anime et s’excite dans ces troncs et ces branches qui bourgeonnent. Comme mon sang qui palpite dans chacune de mes extrémités, stimulé par ce renouveau. Une nouvelle saison, une nouvelle vie, un nouveau départ…

Un départ en position statique, dans le ici et maintenant. Car pour la première fois je n’ai pas l’intention de fuir, de m’enfuir, de vivre autre chose que ma vie. Une envie de m’éclater dans chacun de mes désirs, dans chacune de mes passions, de réaliser l’impossible, de me rendre jusqu’à l’inaccessible, avec vous. Un rêve suprême de me réaliser à la façon de Borduas dans son refus globalisé. Vivre comme Ronsard le prétendait à la fin de sa vie, en cueillant les roses, dès maintenant.

La nature dans sa grandeur nous offre le soleil pour nous réchauffer, le vent pour nous offrir des caresses occasionnelles, les odeurs pour stimuler notre imaginaire et l’eau pour rafraîchir nos ardeurs. Alors vite dans la douche, laisser l’eau détendre chaque parcelle de mon corps incendié. Jouissance d’une nouvelle journée qui commence dans le plaisir. Un pas de plus dans le présent, un pas de plus vers l’objectif ultime de la vie : le bonheur.

Je m’habille un peu, je me maquille légèrement et me chausse en hauteur, pour me plaire. Et peut-être que le vent me dira que je suis jolie. Qu’il soit du nord, du sud, d’est ou d’ouest, d’ici ou d’ailleurs, ça n’a aucune importance si je danse avec lui.

Dans ma danse, je décompense et je pense à tous ces gens qui animeront ma journée.

Mon travail me prend par la main, m’entraîne vers des zones que j’ignorais. M’oblige à mettre ma gène au back store et à vous affronter, à vous sourire, à vous parler. À comprendre chacune de vos émotions, à vous questionner. Je vous écoute vous raconter : votre travail, vos enfants, votre amoureuse, votre vie de famille. J'apprécie ces rencontres, la plupart du temps. La plupart du temps je reviens avec des histoires plein la tête. Je vous les livre donc dans ce blog et j'espère qu'elles vous plairont et vous feront réagir.

Bonne lecture!

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